Son@rt 034

 
Tombeau de Pierre Larousse
 
Tombeau de Pierre Larousse 2
 
Comptinuum 1
 
Comptinuum 2
 

François Dufrêne (1930-1983) a participé à tous les récitals du mouvement lettriste de 1946 à 1953, ce qui veut dire qu'il était lettriste à partir de 16 ans.Il a participé notamment aux 4 récitals lettristes du Tabou le 14, 15, 21 et 22 octobre 1950 avec Jean-Isidore Isou, Maurice Lemaître, Gabriel Pomerand,
Gil J. Wolman, Jean-Louis Brau et il intervient par sa voix dans le film d'Isidore Isou "Traité de bave et d'éternité". Puis il quitte le mouvement lettriste pour créer en 1953 l'Ultra-Lettrisme avec Estivals et Villeglé pour ce qu'il appelle dans le manifeste une "poésie exclusivement sonore" sous la forme du cri-rythme produit directement pour le magnétophone et non transcriptible par l'écriture sur
support papier, formulation intéressante parceque sans ambiguïté par rapport à la simple oralité que pourrait suggérer l'appellation ultérieure, retenue par l'histoire littéraire, de "poésie sonore". Ce cri-rythme, il va le développer dans des festivals et sur disques, et parallèlement il va créer des oeuvres sémantiques, à partir de détournements phonétiques, comme Le Tombeau de Pierre Larousse (1954 - 1958) et la Cantate des mots camés.

Jacques Donguy

François Dufrêne est le prototype même de l'artiste qui parvient, sans recourir à des théorisations dogmatiques, si pesantes au cours des années 50 et 60, à transgresser les catégories existantes. Il est aussi difficile de l'associer à des tendances étroitement définies (poésie sonore, nouveau réalisme, lettrisme, musique concrète...), que d'isoler sa production dans un cadre prédéterminé.
Donnant naissance à l'Ultra-lettrisme, Dufrêne invente, entre autres, le "Crirythme", "automatisme vocal pour lequel la notation graphique est abandonnée en faveur du magnétophone"; il en enregistre plusieurs dès 1953, ce qui provoquera sa rupture avec le mouvement lettriste. Les Cri-rythmes, (le compositeur Pierre Henry intègrera l'un d'eux dans Granulométrie), la Cantate des mots camés, qu'il a publiée en faisant correspondre les phonèmes à des équivalents plastiques, ou les "dessous
d'affiche" deviennent ainsi diverses facettes d'une impulsion créatrice où le jeu et l'invention à partir d'éléments préexistants ou trouvés, qu'ils soient d'origine sonore ou visuelle, tiennent une place prépondérante. J'ajouterai volontiers que, en tant que compositeur, j'ai été immédiatement fasciné par la présence vocale singulière de Dufrêne, son sens du rythme (avec un swing en définitive assez proche du jazz), de la performance, le tout baignant dans une irrésistible dose d'humour. Dufrêne
s'imposait par la seule force de sa personnalité, et une qualité aussi rare reste, ô combien, un enseignement des plus précieux pour tous ceux qui choisissent de s'engager hors des chemins dûment balisés de l'histoire de l'art.

Jean-Yves Bosseur

 

 

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